Press Release | L’Express

Jeudi dernier, «l’express» avait eu vent d’un dégraissage dans le port. Le service de communication ayant démenti une telle manœuvre, le président de l’organisme, que nous avons sollicité en début de semaine, a bien voulu répondre à nos questions.

Six mois depuis que vous avez été nommé «Chairman» de la Mauritius Ports Authority (MPA). Comment se porte le port depuis votre arrivée ?

J’ai été nommé en juin. Mon mandat est différent de celui de mon prédécesseur. Il avait un mandat de continuité alors que j’ai eu pour mission de réformer l’organisme. Il me fallait 90 jours pour faire un état des lieux. Durant ce temps, j’ai dû comprendre comment fonctionne l’organisme, puis définir les objectifs et la vision pour le port. Puis il fallait aussi connaître les moyens à notre disposition pour atteindre des objectifs clairs et les réformes envisagées.

Quelle est votre analyse de ces six mois passés à la tête de la MPA ?

Après ces six mois d’observation, je suis arrivé à la conclusion que la MPA doit être scindée en deux pour plus d’efficacité. Par exemple, nous n’avons pas de département commercial pour proposer nos services et nos offres. Prenez nos quais, par exemple, nous n’avons qu’une capacité de 35 %. Si l’on veut avancer, il nous faut prendre le benchmark de la Banque mondiale (BM) pour fixer nos objectifs.

Pourquoi cette scission est-elle nécessaire ?

En fait, une entité doit s’occuper de l’autorité elle-même et l’autre l’aspect commercial, ce qui a trait au cargo, aux quais et autres services. Avant de séparer la MPA en deux, nous devons définir les activités qui seront sous l’ombrelle du régulateur et celles de l’opération commerciale. Ensuite, se fera la répartition des emplois entre ces deux organismes. Cet exercice prendra six à sept mois pour être complété. Entre-temps, le Covid-19 a fait dérailler les choses. Aujourd’hui, la perspective et les impératifs des acteurs du secteur maritime ont changé.

Quels seront ces changements et leurs répercussions ?

L’un des changements majeurs post-Covid est que les compagnies maritimes font davantage de door-to-door shipment. Il n’y a plus de transbordement où les conteneurs transitent dans les ports. Les marchandises partent d’un port à un autre port directement, sans faire escale à Maurice, par exemple. Pour que les navires puissent venir à Maurice, trois critères sont mis en avant. Premièrement, le temps qu’un navire passe entre l’arrivée au port et son départ. Le port devra minimiser le temps qu’un navire passe dans la rade. Puis le coût, soit les frais par tonne des conteneurs et les services mobilisés pour traiter avec les navires, doit être avantageux. En d’autres mots, les réparations, le plein de carburants, l’offre d’un lieu de repos adéquat à son équipage, entre autres. Nous devons améliorer notre attractivité avec ces facteurs qui inciteront des navires à venir à Maurice.

Pourtant, les principales lignes maritimes boudent souvent la rade de Port-Louis à cause du temps d’attente…

Le Covid-19 est venu chambouler le secteur maritime. Vous voyez des compagnies maritimes qui ont bénéficié de la crise sanitaire et veulent désormais investir. Elles se sont donné trois ans pour investir dans les ports en Afrique. Mais ces sociétés ont deux critères : elles veulent un port attractif, optimisé et surtout tourné vers l’automatisation. L’autre critère, c’est que ces compagnies veulent investir d’ici un an et demi, soit jusqu’à décembre 2022. Maurice peut décider de remplir ces critères ou ne pas le faire. Nous sommes face à un compte à rebours. Si l’on décide de choisir l’automatisation de l’Island Terminal, qui sera robotisé, la Cargo Handling Corporation Limited (CHCL) va s’éteindre. Pour faire face à ces nouveaux enjeux, la MPA et la CHCL devront se regrouper.

Justement, depuis jeudi, spéculations et rumeurs vont bon train sur un dégraissage massif à la MPA…

Pour cette réforme, je vais rencontrer les syndicats en janvier. Si vous avez entendu des informations de licenciement, la question ne se pose pas. (Il marque une pause pour trouver un document de la BM). Pour en revenir à la masse salariale, si l’on prend ce que préconise la BM pour une petite autorité comme la MPA, il faut 50 emplois ; nous en avons 560. Également pour un organisme de manutention comme la CHCL, qui fait 600 000 TEU par an, il faut 500 emplois. Pourtant il y en a 1 650. Il faut conclure que les deux organismes sont overstaffed. Il est urgent que le port devienne efficace et attractif en moins d’un an. (Il ouvre une parenthèse sur la crise politique en Afrique du Sud) Les lignes maritimes voulaient quitter l’Afrique du Sud pour venir à Maurice à ce moment-là. Mais il fallait régler les problèmes que j’ai évoqués plus tôt. Si l’on ne réagit pas, ces compagnies vont quitter Maurice définitivement.

Ce n’est pas demain la veille que les employés du port vont changer d’un coup ?

C’est littéralement une menace des lignes maritimes qui plane, soit l’on s’améliore grandement soit elles ne viennent pas. Si l’on ne choisit pas de s’améliorer, ces compagnies choisiront un autre partenaire et investiront dans un autre port. Or, nous devons adopter un changement de culture profond. Dans les années 80, le gouvernement pouvait garantir des emplois et formait ses employés sur le tas. À chaque croissance, la CHCL recrutait de la main-d’œuvre. Mais ce modèle a changé depuis. Aujourd’hui, aucun gouvernement ne garantit un emploi mais garantit la formation pour être performant au travail. Cela à condition que la MPA et la CHCL puissent voir une hausse dans le nombre d’escales de navires aux quais. Auparavant, les syndicats négociaient pour des conditions et une amélioration des salaires. Ce modèle a aussi changé, car une hausse des conditions d’emploi est basée sur la performance.

Vous proposez donc un système basé sur la performance…

Oui. En janvier, nous proposerons un Performance Management System, basé sur la satisfaction du client. Ce système annoncé en 2011 n’a jamais été implémenté. Aujourd’hui, on doit rattraper ce retard. Il faut se rendre à l’évidence que s’il n’y a pas de navires, il n’y aura pas de rentrées d’argent et donc pas de récompenses, vu que c’est le client qui connaît ses impératifs. Je ne veux rien imposer sur les emplois en cas de non-venue d’un navire et je ne veux pas que les syndicats imposent aussi. Ce qui importe, c’est comment faire venir plus de navires à Maurice.

Lire la suite: l’express – lien

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