Quels sont vos souhaits pour l’avenir du port de Maurice ?

Port Louis est un des plus profonds ports de l’Afrique avec une profondeur minimale actuelle de 16.5 mètres (at Chart Datum) pouvant accepter des navires avec un tirant d’eau de 15.0 m.

Des navires ayant un tirant d’eau de 15.5 m peuvent aussi accoster selon certaines conditions de la marée, de la houle et des critères de couverture spéciale d’assurance. Le ‘nouveau’ quai au Mauritius Container Terminal (MCT) est d’une longueur de 800 mètres mais, étant donné que les portiques ne peuvent aller jusqu’au bout des rails au Nord et au Sud du quai, les opérations de ces portiques sont limitées à environ 760 m.

Les plus gros navires MSC touchant Maurice en ce moment sont des 14,000 TEUS avec une longueur de 365 mètres tandis que les plus gros navires de Maersk sont de 9,500 TEUS de capacité et de 330 mètres de longueur.

Vu la longueur du quai permettant les opérations des portiques sur seulement 760 mètres, la MCT ne peut accueillir que de deux gros navires à la fois ou d’un gros navire et deux navires moyens. Les travaux de dragage ont porté le tirant d’eau à 16,5 mètres, mais à long terme, l’objectif de la Mauritius Port Authority serait d’étendre le quai à un kilomètre avec un tirant d’eau de 18 mètres. Nous verrons plus loin comment augmenter la longueur du quai et quelles sont les contraintes.

La position stratégique de Maurice sur la carte ne date pas d’hier. Notre histoire le prouve et nous avons certains avantages comparés aux autres ports tels que celui de la Réunion, ou Durban et Tamatave. Les grèves dont font face certains ports de la région, à l’instar du Port de La Réunion, font pencher la balance en notre faveur. Maurice dispose aussi d’une main d’œuvre moins onéreuse que la Réunion et d’une stabilité politique, sociale et industrielle.

Il ne faut pas non plus oublier que nous sommes aux portes d’un continent en pleine croissance. L’Afrique est une terre d’opportunités pour les investisseurs internationaux et Maurice est bien positionné pour participer à son développement. Cependant, il faut rester vigilants et continuer d’innover car les ports voisins subissent aussi des développements importants.

Nous avons assurément des avantages sans en avoir les moyens de bord comme la Réunion, par exemple. Tout changement dans le port coûte énormément. Juste l’extension de 240 mètres du quai en 2017 a coûté Rs 4,4 milliards. La rénovation des portiques coûte aussi très chère. Si on achète encore deux autres portiques neufs, cela coûtera plusieurs millions de dollars américains. Le coût du dragage est également élevé.

Et même, une fois achevé, le problème de mauvais temps ne va pas pour autant s’atténuer. Car comparé aux conditions existantes, il y a le facteur du changement climatique qui entre en jeu. Les vents sont beaucoup trop violents et les houles plus fortes. Les conditions climatiques risquent de se détériorer encore plus, ce qui entraînera un manque à gagner pour les lignes maritimes et pour le port.

Pour contrer cela, les autorités portuaires parlent de la construction d’un brise-lame (Break-Water) et de l’annexer à un autre Terminal à conteneurs au coût très élevé. C’est encore une fois le dernier budget de l’État qui fait d’ailleurs mention d’un Island Container Terminal.

Le marché captif (ce que nous exportons et ce que nous importons) à Maurice est faible et ne grossit que de 3.0 % chaque année. Le volume de conteneur du marché local ne justifierait donc pas toutes ces dépenses que nous aurions à faire pour cet Island Terminal. La seule façon de rentabiliser cela serait d’augmenter les activités de transbordement. Se servir ainsi de Maurice pour transborder soit vers la région, soit vers l’Afrique du Sud ou de l’Est, soit vers l’Australie ou ailleurs.

Voici quelques chiffres clés pour aider à notre réflexion :

  • Le commerce intrarégional (Maurice & Rodrigues) de conteneurs a été de 647,277 EVPs pour la période juillet 2019 à juin 2020; (une chute de 11.5 % de la période 2018-19) à cause du Covid-19;
  • 487 navires porte-conteneurs ont touché Port Louis durant la période à juin 2020;
  • Le nombre de conteneurs captifs pour cette période a été de 255,468 EVP dont 50 % ont été transportés par MSC;
  • 174,057 EVP ont été transbordés à Port Louis, dont 70 % par la MSC.

Depuis que le terminal portuaire a été complété en 2017, la transformation lui a donné la possibilité d’accueillir de plus gros navires et d’avoir des conteneurs sur les plus grands axes. Il ne faut pas oublier qu’il y a un flux massif de trafic de la Chine vers l’Afrique et vers l’Amérique du Sud qui va continuer dans le temps.

Il y a à peu près 35,000 navires qui passent tous les ans près de Maurice. Toutefois, nous n’accueillons qu’environ 2,000 d’entre eux. Et si nous réussissons à attirer 1 % ou 2 % de ces 35 000 navires, ce sera déjà beaucoup pour l’avitaillement, le soutage et les charges portuaires pour la MPA.

Vu que le volume de nos importations (Captive Cargo) est limité par la taille de notre population, il est impératif de trouver d’autres activités rémunératrices. Par exemple, encourager la construction et la réparation des bateaux, l’avitaillement et le soutage. Ce dernier service comporte des risques qui peuvent être maitrisés sans excès.

Les infrastructures modernes de Port-Louis ne lui donnent- il pas un net avantage concurrentiel dans la région ?

On aurait tort de penser que la concurrence provient seulement des ports situés dans les Mascareignes. Elle peut émerger à de nombreux endroits à travers toute la région Océan Indien, soit l’Afrique de l’Est, Singapour, l’Inde, la péninsule d’Arabie et l’Australie.

Et l’Océan Indien compte de très bons ports tels que le port de Salaalah en Oman qui est un port très performant, King Abdullah Port qui est un excellent port dans la Mer Rouge, le port de Coega en Afrique du Sud est aussi bon mais souffre du mauvais temps continuellement. Même Tamatave a une bonne performance portuaire malgré le fait que Tamatave ne soit pas équipé de portiques. Et la Réunion a les moyens financiers de pouvoir améliorer rapidement son port. Colombo se développe très vite et Bombay, Mundra, Chennai, en Inde, Mombassa au Kenya et bien sûr Singapour, sont des concurrents de Port Louis. Ils peuvent faire du transbordement comme nous le faisons et même mieux.

Certains observateurs pensent que Maurice a encore beaucoup de chemin à faire car nous n’avons pas encore pu fidéliser un nombre critique de compagnies maritimes ou attirer un nombre élevé de navires à faire escale à Port Louis.

En août 2014, le Groupe CMA CGM avait signé un protocole d’accord visant à faire de Port Réunion le hub maritime du Groupe CMA CGM pour l’ensemble de l’Océan Indien. Selon le communiqué qui avait été issu par CMA CGM, Port Réunion deviendra un port stratégique où se croiseront les lignes en provenance d’Europe, d’Afrique et d’Asie, ce qui sera un élément clef dans l’accélération de son développement sur le continent africain où le Groupe CMA CGM a d’ores et déjà des positions fortes.

Des marchandises du monde entier seront ainsi déchargées sur l’île pour être ensuite rechargées vers d’autres destinations. Pour Le Port Réunion, c’était une augmentation majeure de son activité. Cela n’a vraiment pas eu lieu et Maurice a gardé son avantage sur La Réunion.

Quelles sont les clés pour développer l’attractivité de Port-Louis et fidéliser le marché ?

Pour attirer des lignes maritimes dans notre port, nous devons impérativement avoir une productivité constante. Nous ne pouvons permettre au port de manipuler 25 conteneurs par heure pour un jour et le lendemain en manipuler seulement douze – il faut de la constance.

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3 Comments

  1. H.C. Ghurburrun

    Une interview survol qui,évidemment,ne nous fait pas revivre les grands moments de notre port.Je note surtout le cri du coeur du commandant pour les marins du Wakasio qui, 8 mois après le naufrage, sont toujours en détention alors quíls n’étaient nullement impliqués dans ce drame.Yves Goilot est homme de mer et il peut prendre la mesure de l’éloignement de toute personne de son milieu famillial.

    • Port Louis Digest

      Merci pour l’intérêt que vous portez à Port Louis Digest.
      Les invités de Port Louis Digest sont des experts de leur domaine. À l’occasion de futures éditions, des historiens seront amenés à livrer des éclairages sur l’Histoire et le développement du port.

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