Le coût est également un facteur clé pour les lignes maritimes. Si nous sommes chers, les navires iront voir ailleurs, du côté de King Abdullah Port, Salaalah ou encore Colombo. Il faut également que le port travaille 24/24 et 7/7 et 365 jours par an comme un aéroport. Un navire qui touche Maurice un 31 décembre ne peut pas rester inactif et bloqué pendant trois jours. Il faut qu’il sache que s’il arrive à Maurice à cette date, le port travaillera. Sinon, la ligne maritime n’aura pas d’autres choix que de contourner Maurice pour aller ailleurs.

La MPA a voulu, pendant longtemps, d’un partenaire stratégique pour son développement et avait jeté son dévolu sur DP World. Quel intérêt pouvait avoir DP World pour s’installer à Maurice ? Est-ce les 325 arpents de terres à Jin-Fei qui lui avaient été proposés, ou n’étaient-ils probablement pas suffisants ? Maurice avait besoin de fonds pour son développement portuaire et considérait que DP World en avait les moyens. Malheureusement, la situation financière des pays du Golfe s’est détériorée à cause de la crise du pétrole.

Il reste donc à la MPA à faire ce qu’il faut pour améliorer ses services de manutention par son ‘Service Provider’, la Cargo Handling Corporation Ltd (CHCL). Est-ce que la CHCL doit avoir un partenaire stratégique pour optimiser des activités ? Ne peut-elle pas le faire seule ? Il y a quinze ans de cela déjà, un armateur avait confié à un ministre mauricien du Port, que le pays n’a pas besoin d’un partenaire stratégique, mais qu’il lui faut une autre attitude envers le travail tout en améliorant la qualité de ses opérations. Il faut donc que la MPA insiste auprès de la CHCL, de mobiliser sa main d’œuvre pour apporter la productivité que les autres ports de la région ont atteint – 32 à 35 mouvements de portiques par heure (mph) à chaque jour de la semaine.

La grille salariale de la CHCL choque tant elle est élevée et meilleure que toutes les unités publiques et privées à Maurice. Dans le temps, une compensation financière aux dockers était compréhensible à cause de son effort physique.

Aujourd’hui, la charge du travail a diminué avec l’utilisation de monte-charges et de portiques. Les salariés justifient le montant de leurs revenus en soutenant qu’ils travaillent sans relâche les week-ends et les jours fériés. Beaucoup d’autres Mauriciens en font de même dans d’autres secteurs d’activités. Et surtout dans le privé. Ceux du port ne veulent pas travailler le 1er janvier, le 1er mai et le 25 décembre. Les opérations s’arrêtent pendant de longues heures en cas de prières religieuses, de réunions syndicales ou de cérémonies funéraires. Le 24 et le 31 décembre, le travail s’arrête à 18 heures.

Ils doivent s’organiser. Prendre des vacances en rotation car ils sont nombreux. Ils ne sont pas plus spéciaux que vous et moi. Un port doit fonctionner 24/7 pendant 365 jours : des gros porte-conteneurs coûtent plus de 100 000 dollars par jour, ça fait rugir les patrons des lignes maritimes d’avoir autant à payer à la CHCL. Quand on dit que Port-Louis est la meilleure de la région, est-ce qu’on la compare à La Réunion et à Madagascar ou aux Comores ?

Il faudrait une meilleure productivité dans la manutention des conteneurs. Soit au moins 25 conteneurs par heure par portique et constamment. Les coûts doivent être revus pour qu’ils puissent être comparés aux autres ports de la région. Nous parlons ici de Salaalah, Colombo, Singapour, voire Mombassa et Tamatave. D’ailleurs, qui détermine les couts de la CHCL et de la MPA ? Ne faudrait-il pas qu’un organisme indépendant le fasse ?

Le plus gros problème du ‘Crane, Berth & Ship Productivity’ avec la main d’œuvre de la CHCL, c’est l’absentéisme. Le ‘Labour force’ de la CHCL est d’environ 1,500 âmes. Avec 8 portiques disponibles, ce n’est qu’en moyenne seulement 6 portiques qui sont utilisés chaque jour par manque de personnel pour les deux ‘shifts’ 0700 – 1500 heures et 1500 – 2300 heures. Seulement un maximum de 4 équipes sont disponible pour le ‘night shift’ de 2300 – 0700 heures à cause de plus d’absentéisme pendant la nuit. Le système de bonus pour la main d’œuvre de la CHCL devrait impérativement être revu pour couper court à ce problème.

La MPA et CHCL ont fait des progrès dans l’amélioration de leurs infrastructures. Beaucoup reste à terminer. Le nombre de ‘trailers’ et de ‘stackers’ du ‘Yard’ devraient être augmentés. La gestion du ‘Container Yard‘ devrait être amélioré. La MSC aurait pu transborder plus de 150 000 conteneurs par an et même faire mieux.

Les trois nouveaux portiques Super Post-Panamax ne sont pas suffisants. Les 5 autres vieux portiques tombent régulièrement en panne. Au lieu de trois nouveaux portiques Super Post-Panamax, on aurait dû en commander cinq autres. Tous les navires mettant le cap sur Maurice, en provenance de Chine, du Japon et Singapour, sont obligés de ne pas embarquer plus de quinze rangées de conteneurs horizontalement.

Le vœu de la MPA est d’avoir un Island Terminal construit à partir d’un brise-lames pour ne pas avoir des jours perdus à cause de la houle venant principalement du Nord-Ouest. Mais les jours perdus ne sont pas uniquement à cause de vents forts venant du Sud-est et le brise-lames serait inutile en temps de ‘windbound’.

La meilleure solution serait de prolonger le quai existant au MCT à 200 mètres pour atteindre le kilomètre recherché et permettre à 2 grands navires et un Feeder de 200 mètres à travailler concurremment. Mais pour cela il faudrait prolonger le quai vers le Nord et Baie du Tombeau, donc empiéter sur la zone du sanctuaire d’oiseaux migrateurs, ce qui risque d’être difficile à faire accepter par la MWLF et satisfaire la convention Ramsar.

Un kilomètre de quai en eaux profondes aurait pu aussi être réalisé au Bulk Sugar Terminal qui n’est plus utilisé au Sud du port, mais pour cela il aurait fallu transférer les équipements et opérer sur deux sites en même temps au MCT et au Bulk Sugar Terminal et avoir suffisamment de terrain vierge autour du Bulk Sugar Terminal – une opération onéreuse car tous les équipements de manutention se trouvent au Nord sauf duplication d’équipements et coût y relatif.

Et quid des travaux au jardin Robert Edward Hart et au cimetière Saint Georges ? Laissons donc la région de Fort William et le jardin Robert Edward Hart au Sud de Port Louis pour un port de pêche ou une zone de stockage pour le charbon.

Un industriel Mauricien parlait d’un investissement mixte Indien/ Mauricien pour une raffinerie flottante dans la région d’AlbionUn industriel Mauricien parlait d’un investissement mixte Indien/ Mauricien pour une raffinerie flottante dans la région d’Albion. Cela inquièterait les personnes concernées dans une de nos industries phares, qui est le tourisme. La moindre marée noire affecterait toute la côte ouest et le Nord où se trouvent nos meilleurs hôtels. La moindre menace, le plus petit soupçon d’une marée noire incitera le touriste à se rendre ailleurs. L’Affaire Wakashio nous fait réfléchir !

1 2 3 4

3 Comments

  1. H.C. Ghurburrun

    Une interview survol qui,évidemment,ne nous fait pas revivre les grands moments de notre port.Je note surtout le cri du coeur du commandant pour les marins du Wakasio qui, 8 mois après le naufrage, sont toujours en détention alors quíls n’étaient nullement impliqués dans ce drame.Yves Goilot est homme de mer et il peut prendre la mesure de l’éloignement de toute personne de son milieu famillial.

    • Port Louis Digest

      Merci pour l’intérêt que vous portez à Port Louis Digest.
      Les invités de Port Louis Digest sont des experts de leur domaine. À l’occasion de futures éditions, des historiens seront amenés à livrer des éclairages sur l’Histoire et le développement du port.

Newsletter

Subscribe Now! We’ll make sure you never miss a thing

This will close in 10 seconds